Du score et des larmes

Le monde du golf n’est pas un univers à part, il cristallise ce que nous retrouvons dans la société.
Dans le conscient et l’inconscient collectifs, la femme, et donc la sportive doit conserver sa grâce, sa souplesse avec le maintien d’une image corporelle féminine. Quant aux hommes, l’esprit de compétition, l’endurance et la force corporelle sont de mise (CGSP, 2014 & Louveau 2007).
Le monde du golf est donc, comme le reste de la société, un univers où l’expression des émotions peut être vue comme un aveu de faiblesse et risquerait de désacraliser l’image du sport.
Une image façonnée par plus de 2000 ans de patriarcat.

Est-ce que le développement de l’intelligence émotionnelle des joueurs ne permettrait-il pas de réduire le fossé entre la conception de golf au féminin et de golf au masculin ?

L’intelligence émotionnelle serait-elle un moyen d’atténuer l’expression « virilistique » du golf pour se rapprocher d’une expression plus touchante et vulnérable souvent attribuée à l’univers féminin ?

C’est une escroquerie de dire que les hommes n’ont pas d’émotions

Bas les masques

Les années d’éducation, où il y avait l’homme guerrier d’un côté et la femme nourricière de l’autre, laissent une empreinte dans le capital émotionnel de chacun.

Ce capital émotionnel « social » développé pousse souvent les filles vers des activités à caractère social ou humain ‒ d’ailleurs 82 % des candidatures en psychologie sont des femmes (HuffingtonPost). 

« Les femmes ont plus de facilités à ressentir les émotions et à en parler. Elles prennent plus conscience de leur corps et de leur mental, souligne Ronan Lafaix, coach mental et fondateur de Soyez P.R.O. En quarante ans de métier, je constate que la majorité des entraîneurs de sportives sont des hommes qui leur expliquent comment gérer les situations, alors qu’ils n’ont jamais fait ce travail émotionnel et ne savent pas le faire. Comment concevoir de guider une autre personne au meilleur de son potentiel avec son corps si l’on ne sait pas le faire avec nous même ? »

Les hommes auraient ainsi, selon le HuffingtonPost, un capital émotionnel « personnel » les dirigeant plutôt vers des postes compétitifs et scientifiques (72 % des inscrits en école d’ingénieur sont des hommes). 

« C’est une escroquerie de dire que les hommes n’ont pas d’émotions, continue Ronan Lafaix. J’ai encadré des athlètes masculins qui les intériorisent beaucoup trop. Les conséquences sont désastreuses, on se retrouve avec des sportifs qui ne se sentent pas à leur place et en souffrance. »

Ce déni de la vulnérabilité dans le sport s’intensifie lorsqu’on atteint le haut niveau. Libérer l’émotion, c’est humaniser la performance, sortant ainsi le sportif d’un effort contraint dans un environnement balisé, soumis à des normes et des injonctions extérieures.

Selon Eliot Lise, maître de conférences en neurosciences, les garçons de 11 ans ont déjà 20 % de chance en moins que les filles de pleurer. À 16 ans, le chiffre passe à 40 %. Il avance ainsi dans Cerveau rose, Cerveau bleu. Les neurones ont-ils un sexe ? que « Les deux sexes n’apprennent pas à manifester leurs émotions de la même façon : on invite par exemple les filles à confesser leurs sentiments. »

Si cette partie de la performance est invisible, elle reste omniprésente dans la pratique du golf.

Sur quatre heures de parcours, vingt minutes sont dédiées à l’exécution technique des coups, le reste nous laissant face à nous et à nos émotions.

Nous avons tous en nous cette dualité de force et de vulnérabilité, mais considérer ses émotions sans retenue pour atteindre la performance est encore un chemin hors des sentiers battus.

« En France, il est plus rassurant de travailler sa technique, c’est directif. Travailler sur soi, c’est une autre histoire, cela fait peur et risquerait de remettre en question des choses vécues, indique Elisabeth Quelhas, Élisabeth Quelhas, coach de golf et coach mental P.R.O. L’objectif est d’amener la sportive ou le sportif amateur ou professionnel à s’écouter, reconnaître ses émotions et accéder à la personne qu’elle/il souhaite être. »

Cet éveil semble être essentiel dès le plus jeune âge, car nous nous construisons sur des modèles sociétaux, nous validons des certitudes limitantes, nous compilons, archivons. Plus le temps passe et plus ce travail peut être intimidant et chronophage.

« Culturellement, les seniors s’attachent encore aux stéréotypes de genre.
Les jeunes générations semblent plus ouvertes avec moins de croyances limitantes à casser, constate Sophie Giquel, joueuse professionnelle et coach mentale. Lors de mes commentaires sur Canal+, les professionnel(le)s de golf parlent davantage de leurs émotions et de leur préparation mentale lors des interviews. Cela vient du fait que la société s’ouvre à ce sujet et que le sport suive la tendance. »

Suivre la tendance, oui, mais les joueuses doivent toujours se confronter à un monde sportif conçu pour les hommes et se limitent inconsciemment de peur d’être jugées ou non conforme à la norme donnée.

On est notre propre piège. La notion de genre est là, mais chacun à des freins, des tabous, une culture qui l’a accompagné dès le plus jeune âge

Un plafond de verre blindé

Effectuer une percée en tant que joueuse dans un univers majoritairement masculin n’est pas aisé, et la sportive doit s’adapter et parfois se construire autour de cela. 

Si le plafond de verre limite trop souvent les femmes dans la société, dans l’univers sportif, ce plafond de verre est en verre securit ralentissant souvent la progression des sportives. 

« On est notre propre piège, confirme Elisabeth Quelhas. La notion de genre est là, mais chacun à des freins, des tabous, une culture qui l’a accompagné dès le plus jeune âge. Chaque golfeuse doit s’approprier sa propre identité. Avant d’être coach mentale, j’ai parcouru ce chemin et je sais aujourd’hui qui je suis ; personne ne pourra me faire douter comme auparavant. »

Les sportives doivent aussi tenter de se faire une place dans un environnement aussi imposé par les médias qui font trop souvent de l’athlète homme la norme. Le manque de diversité et de représentation féminine impacte directement les jeunes filles qui n’envisagent pas avoir une carrière dans le sport.

Selon Kelly Sotiere, entraîneure de golf préparatrice mentale ‒ consultante U14 pour la FFGolf‒, les filles ont une tendance naturelle à rester dans le cadre, les garçons se sentant plus libres d’en sortir. « J’ai observé que les filles ont une plus grande maturité émotionnelle et de rigueur dans l’organisation de leurs entraînements. À cet âge, le regard des autres (proches et joueuses) à une grande importance. C’est un cercle vicieux pour ces jeunes filles. Elles ont tendance à moins exprimer leur personnalité sur un parcours et sont portées davantage sur quelque chose de plus automatisé. Les garçons, quant à eux, sont plus attachés à la notion de jeu, de performance technique et de puissance. Sur le plan mental, on observe un manque de stabilité émotionnelle à ce jeune âge, qui ressemble à “c’est tout ou rien”. Les garçons sont plus dans le ressenti, la créativité et dans l’action. »

Des tendances qui se vérifient sur les réseaux sociaux : les joueuses ont plus de facilité à entrer en empathie avec leur audience ; les hommes, eux, véhiculent une image de technicien et de puissance, ils ouvrent moins le champ émotionnel. 

« Les joueuses professionnelles vont partager leur quotidien, alors que les garçons vont exposer du contenu golfique, de la préparation physique et de la technique, rappelant la notion de distance dans leur sport », abonde Kelly Sotière.

Ouvrir le champs des possibles

L’intelligence émotionnelle n’a pas de genre. Il y a un caractère unique de chaque personne pour traiter les émotions, pour révéler qui on est réellement et pas celle et celui que l’on croit être.

Sportive ou sportif, chacun devra s’affranchir des injonctions et passer de nombreuses étapes culturelles et éducationnelles afin de trouver sa voie.

Humaniser le sport au travers des athlètes permettra de percevoir ces derniers davantage sur un pied d’égalité. 

Briser les schémas patriarcaux libérera aussi bien la femme que l’homme dans leur sport, permettant d’avoir une vision réaliste qui rassemble davantage qu’elle ne divise.

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