Les quotas, une opportunité à placer sous haute vigilance
La notion de stéréotype de leader idéal renvoie à l’image d’un homme qui présente bien, qui a du réseau, une présence physique, une voix. “Nous projetons cette incarnation qui est un barrage supplémentaire” indique Annabelle Caprais.
Nous avons bien entendu un enseignement des quotas, des élections de femmes qui ont été dirigeantes et qui ont pris des portes fermées : pas d’écoute, pas de budget, faire durer la mise en action, etc. La façon dont les organisations ont placé des personnalités féminines sur ces postes en positionnant une femme par simple soucis de quota peut s’avérer néfaste. “je n’ai pas pu remplir ma mission, car j’ai été cooptée par mon genre et catapultée à cette place. Je ne le referait pas, cela décrédibilise toutes les femmes dans le mouvement sportif”, partageait Nathalie Péchalat au micro de Chloé Henin.
Les nouveaux quotas vont être intéressants, car ils vont permettre de changer le nombre de femmes autour de la table de façon significative. “Néanmoins, il faut être vigilants, car on peu apercevoir un certain type de femme qui accèdent aux responsabilités, indique Annabelle Caprais, car elle sont sélectionnées par des hommes selon des critères propres aux hommes en place : des femmes blanches, issues de classe sociales supérieures, ayant un patrimoine sportif important”.
De fait, il est parfois fréquent de se retrouver avec des femmes qui jouent avec ces codes masculins, et qui se retrouvent piégées ne révélant pas leur intention profonde, “il s’agit d’un mécanisme de survie pour pouvoir s’imposer et durer dans le poste qu’elles occupent” rebondit Annabelle Caprais.
“Nous avons une vision et une sensibilité différente en tant que femme. Par exemple, j’étais la première à vouloir éditer un article sur la notion de harcèlement et d’abus sexuels dans le sport. Cela n’a pas été facile de publier cet article, ma présidente de l’époque faisait de la résistance alors que c’était une femme. Mais à force de persévérance, cet article a vu le jour.”indique Sophie Sadoun médecin de la ligue Nouvelle Aquitaine.
Ce n’est pas un mythe, dans le domaine du sport il y a un machisme prégnant et avant de rentrer dans l’arène il sera important de former les futures candidates à ce qui les attends.
“Avant j’étais médecin bénévole au sein de la FFE (fédération française équestre), donc étant passionnée de golf c’était naturel de me positionner pour cette place au sein de la Ligue. Nous sommes seulement 4 médecins femmes au niveau national. Ce n’est pas simple, car l’environnement est machiste et il est parfois difficile voir impossible de porter sa voix et ses idées lors de réunion. Je comprends que certaines femmes n’osent pas ou s’essoufflent et abandonnent ces missions. Par caractère et conviction personnelle, je ne lâche pas mais ce n’est pas toujours rose loin de là”. poursuit Sophie Sadoun médecin de la ligue Nouvelle Aquitaine.
Le projet d’une parité dans la gouvernance ne pourra se faire à sens unique. Il sera essentiel d’imposer des phases de formation pour l’ensemble des dirigeant(e)s et des bénévoles sur toutes les notions d’inclusion et de diversité dans la gouvernance du sport.
Proposer des moments dédiés, notamment pour identifier les personnalités les plus véhémentes à ce changement et positionner une gouvernance solidaire et non à deux vitesses.
J’ai intégré les femmes actives dans notre réflexion en tant qu'invitées permanentes. Cela leur permet de mener des missions occasionnelles, de travailler sur un dossier, de se réunir, de trouver du plaisir à se retrouver, on avance comme ça.
Véronique Branover, présidente de la Ligue Occitanie
Et si la loi seule ne suffisait-elle pas ?
La question de la professionnalisation des dirigeants aura peut-être du sens pour attirer plus de profils féminins déjà largement sacrifiés sur l’hôtel du bénévolat.
“C’est un débat qui date de plus de 20 ans, aujourd’hui de nombreuses fédérations rémunèrent les dirigeants. Si l’on veut être efficace et à la pointe des dossiers cela prend du temps – confirme Annabelle Caprais. Le fait de ne pas rémunérer des dirigeants, nourrit le prisme des inégalités, car accorder autant de temps sans être rémunéré nécessite d’avoir des ressources financières à côté. Cet aspect restreint considérablement les chances aux autres candidats d’accéder à ce type de poste.”
Un frein supplémentaire pour les femmes qui limite considérablement leur accès au pouvoir, car lorsque l’on sort du cadre sportif, on observe déjà que les femmes font de nombreux travaux bénévoles. Les charges domestiques, la gestion des enfants : toute cette imbrication d’éléments limite profondément l’accessibilité aux femmes à ce type de poste qui demande un engagement important en termes de temporalité.
Par exemple, les hommes consacrent aux tâches domestiques 2h15 par jour en moyenne, contre 3h43 pour les femmes. Soit 1h28 de décalage tous les jours, et donc environ 10h15 de moins à l’échelle d’une semaine (source étude 2015 “emploi du temps” – INSEE).
Véronique Branover, a pris conscience de cet aspect et a trouvé une solution pour intégrer le public féminin dans le débat démocratique de sa Ligue.
“J’observe que les femmes ont une grande charge mentale. La complexité c’est de convaincre des personnes qui sont en activité de prendre un dossier en plus dans leur vie, et cela sur 4 années. J’ai intégré les femmes actives dans notre réflexion en tant qu’invitées permanentes. Cela leur permet de mener des missions occasionnelles, de travailler sur un dossier, de se réunir, de trouver du plaisir à se retrouver, on avance comme ça.”
Le Président de la FFGolf Pascal Grizot, partage cette vision et mentionne que les fonctions de bénévole dans une structure fédérale peuvent “très rapidement devenir un job à temps plein”. (source, page président site ffgolf)
Son Directeur Général Christophe Muniesa a également conscience que ce temps de bénévolat est un véritable obstacle pour les femmes “c’est du strict bénévolat et il faut être prêt à donner de son temps, et cela représente un frein auquel sont plus particulièrement confrontées les féminines”.
Il y a un autre aspect qui pourrait renforcer l’égalité femme-homme dans le cadre de cette loi, et forte heureusement, certaines fédérations sportives n’ont pas attendu cette loi pour les mettre en place, ce qui représente une véritable opportunité pour le monde du golf de s’en inspirer.
Question de motivation
Prenons l’exemple du football, sport ultra masculinisé qui a néanmoins réussi à mettre en place un plan de féminisation dès 2012, puis un plan de mixité.
Ces programmes ont favorisé l’accès à la pratique pour un plus grand nombre de filles ou de femmes. Moins de 90 000 en 2010-2011 et elles sont aujourd’hui plus de 220 000 licenciées.
Les femmes dirigeantes sont quasiment deux fois plus présentes au sein des Comités directeurs de Ligues et Districts aujourd’hui que lors de la période 2012-2016. Grâce notamment à la mise en place d’un programme de promotion et de formation à travers « Le Club des 100 femmes dirigeantes », la FFF déploie un plan mixité pour favoriser la représentativité femmes/hommes et atteindre la parité. (source FFF 2023 https://www.fff.fr).
Il existe aussi des formations pour optimiser la parité, par exemple le programme intitulé “dirigeantes” lancé par la Vice-présidente en charge des mixités au Comité olympique français (CNOSF), Sarah Ourahmoune. Un programme qui permet aux femmes désireuses de s’engager et d’échanger.
L’intégration des femmes au sein de la gouvernance sportive est un véritable enjeu pour un débat démocratique sportif.
La future gouvernance devra faire table rase des coutumes et des traditions pour mettre en avant les expériences et le savoir être de chacun ce qui aura pour bénéfice d’abolir ce code viriliste que le sport a tendance à trop agiter dans l’espace de réunion.
Méfiance néanmoins aux interstices existants au sein des gouvernances, aux/hauts lieux informels dans lesquels sont parfois organisés des réunions et des prises de décision dans l’ombre des organes officiels.