Aurélie MORANDIN fait partie de ces perles rares de la filière golf. Une femme sportive, golfeuse et championne du monde vétéran de judo, c’est aussi une passionnée de nature. Découvrez le portrait inspirant d’une femme qui se distingue par sa volonté et ses réussites dans un univers majoritairement masculin, celui de la gestion du terrain de golf.
Comment le golf est arrivé dans ta vie Aurélie ?
J’ai un master en management dans le sport et un master en Science Politique car je souhaitais au départ m’orienter dans le développement et la gestion de structures sportives.
Après avoir enchaîné les CDD, cela n’a pas été facile de trouver le poste que je souhaitais.
J’étais prête à me réorienter soit dans le travail bois soit dans les espaces verts mais en dernière chance j’ai décidé de consulter les offres d’emploi de toutes les fédérations sportives qui me plaisaient.
C’est donc sur le site de la FFGolf que j’ai trouvé des offres d’emploi pour des postes d’intendants et cela semblait correspondre complètement à mes envies. J’ai alors contacté le centre de formation des intendants à Dunkerque pour me renseigner sur les modalités d’obtention du diplôme de greenkeeper.
On m’a fait comprendre que ce métier était physique, très masculin et que j’allais être challengée.
Ce n’étaient pas des arguments pour me dissuader et je me suis lancée à fond dans ce nouveau projet !
Comment s’est passé ton intégration dans les métiers du terrain ?
J’ai fait un premier stage de 2 semaines au golf de Téoula pour bien valider mon projet professionnel avant de passer les tests d’entrée pour la formation d’intendant.
Pour l’anecdote, le directeur m’avait proposé un entretien d’embauche le dimanche, cela m’a surprise à l’époque, je ne me rendais pas compte que l’on travaillait le dimanche au golf (rire). En plus je sortais d’un championnat de France de judo, je suis arrivée en entretien avec l’arcade qui avait été ouverte la veille (rire). Sacré première rencontre !
À Téoula j’ai rencontré un greenkeeper passionné, un vrai agronome qui m’a véritablement confortée dans mon idée de reconversion professionnelle. C’était génial qu’il me fasse découvrir tous les aspects de son métier.
J’ai alors commencé ma 1ère année de formation en alternance au golf de la Palmola puis ma 2ème année au Golf d’Évian.
J’ai eu des expériences différentes qui m’ont beaucoup apporté et m’ont permis de vivre des gestion d’équipe et de terrain variées, ainsi, j’ai pu me forger une vision complète du métier.
J’ai adoré la gestion de parcours de tournois avec l’Evian Championship, le Jabra Ladies Open, et lors de la fin de ma formation j’étais au sein des équipes de la Ryder Cup au Golf National. J’ai travaillé ensuite en Suisse au Golf du Domaine Impérial comme Adjointe puis comme Intendante. J’ai eu le plaisir de participer également à la préparation du terrain pour le Solheim Cup à Gleneagles et après j’ai eu la chance d’avoir un poste pour le Golf de Saint Omer très rapidement avec en ligne de mire l’Open de golf Hauts de France – Pas de Calais.
Qu’as-tu fait évoluer dans le cadre de la gestion du terrain de Saint-Omer depuis ton arrivée ?
Je suis arrivée en novembre 2019, j’ai subi la pluie tout l’hiver, la période COVid, le confinement, le re-confinement et encore de la pluie et de la pluie. (rire)
Cette période compliquée m’a aidé à remettre à plat certaines choses et à faire quelques changements sur des choix d’entretien par exemple, qui se sont très bien passés.
J’ai souhaité également accélérer la transition écologique, car je suis arrivée sur un terrain qui avait un patrimoine agronomique très intéressant. J’ai, par exemple, beaucoup accentué la gestion de maladies avec des produits de bio contrôle plutôt que des produits phytosanitaires chimiques. Pour vulgariser, nous essayons de soigner le gazon d’abord avec de l’homéopathie plutôt que des antibiotiques.
Le fait est que, nous travaillons le vivant, tous les gestionnaires de terrain ont leurs particularités en fonction de leur zone géographique et de leur sol. À Saint-Omer nous avons des conditions pédo-climatiques compliquées qui nous imposent des choix d’entretien.
Avec mon équipe nous faisons notre maximum pour stimuler notre écosystème vivant en créant, par exemple, des nichoirs à oiseaux, des hôtels à chauves-souris, des hôtels à insectes, ils sont nos alliés dans la gestion du terrain. Nous avons également des zones de haut-roughs pour lesquels nous faisons une fauche annuelle, mais également des zones que nous ne fauchons pas et que nous faisons tourner tous les ans pour favoriser les abris pour tous types d’insectes en hiver sans trop embêter les joueurs.
Nous sommes encore peu de femme à exercer sur les terrains de golf et je pense que nous devons représenter seulement 1% des intendant.e.s
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?
C’est très varié, car il y a la fois l’aspect mécanique – terrain avec les machines d’entretien que j’adore, la gestion administrative où il faut être ordonnée et la gestion humaine pas toujours simple. Le cœur du métier c’est de travailler du vivant, quand tu actionnes un levier tu vois le résultat, tu vois les choses progresser et grandir mais il faut ouvrir l’œil et être patiente.
Je ne me lasse pas de la nature, surtout à Saint-Omer, c’est un écosystème privilégié avec un parc arboricole magnifique.
Es-tu la seule femme de ton équipe ?
Mon équipe est 100% masculine. L’approche humaine est certainement différente et mon adjoint m’a d’ailleurs dit un jour que j’étais plus une coach qu’une cheffe. Pour moi c’est un compliment, car mon but est que chacun trouve sa place. Je cherche toujours à les motiver pour qu’ils prennent plaisir à exploiter et développer toutes leurs capacités.
On ne dénombre aucune femme siégeant dans le comité de l’Agref, à quoi est-ce dû selon toi ?
Nous sommes encore peu de femme à exercer sur les terrains de golf et je pense que nous devons représenter seulement 1% des intendant.e.s. Cela évolue, de plus en plus de femmes sont intéressées par ce métier.
C’est super stimulant et tous les hommes, avec qui j’ai échangé, sont contents d’avoir une présence féminine dans leurs équipes. Le comité de l’Agref est représentatif de la réalité du terrain, il évoluera dans les années qui arrivent, je suis plutôt optimiste à ce sujet.
Ton parcours préféré en France et à l’étranger ?
C’est super compliqué de faire un choix parce que j’ai un œil « terrain » et chaque parcours à ses particularités. Néanmoins, j’adore grignoter sur le parcours (golfs avec des arbres fruitiers, par exemple) et j’adore les golfs boisés aussi.
À Saint Omer je retrouve les arbres, le dessin et l’entretien technique poussé pour un tournoi européen et une super équipe qui travaille avec moi il me manque juste quelques degrés mais j’ai mon bonnet ! (rire). J’ai un super souvenir du golf de Divonne les bains, j’ai beaucoup aimé le dessin.
Et à l’étranger, Gleneagles en Ecosse, mais aussi le golf de Signal de Bougy en Suisse, les 9 premiers trous sont du côté du lac Léman avec une vue extraordinaire depuis le 4 et le retour se joue plutôt dans les champs avec les vaches !
L’objet le plus insolite dans ton sac et son histoire
Dans tous les golfs dans lesquels j’ai travaillé j’ai eu la chance de croiser le chemin de personnes qui m’ont offert des éléments pour compléter mon équipement.
Mon sac représente les dons de personnes qui ont souhaité me voir progresser dans ma pratique. Donc à chaque fois que je m’en sers j’ai toujours une pensée pour elles.
Ta dernière action en faveur des femmes au golf ?
On a refait 2 départs dames l’année dernière et j’ai en ai d’autres en projet. Souvent les départs femmes sont moins prioritaires dans le plan de rénovation parce qu’il y a moins de joueuses que de joueurs, mais comme ils sont également un peu plus petits c’est parfois plus facile de les rénover.
Ma prochaine action en faveur des dames… proposer un super parcours pour le Letas en juillet !
Merci Aurélie pour cet échange et bravo pour ton parcours professionnel !