Aujourd’hui basé au Golf Club de Valenciennes, Abdel a le golf dans le cœur depuis sa plus tendre enfance. Son chemin est celui d’un homme façonné par le golf mais aussi par la douleur, la lutte et la foi en l’avenir.
Des racines précoces dans le golf
“Ma passion pour le golf remonte à l’enfance : j’ai commencé à jouer à l’âge de 6 ans au Maroc. Très tôt, j’ai été plongé dans l’univers du golf professionnel : j’ai exercé comme caddy lors de tournois pro, ce qui m’a permis de côtoyer l’élite du sport et d’apprendre sur le terrain.
Par la suite, j’ai travaillé 10 ans comme moniteur au Club Med, d’abord à Tanger, puis à Agadir, enfin à Marrakech. Cette expérience m’a forgé — enseigner dans ces lieux variés m’a exposé à différents publics, à des cultures diverses, et m’a appris l’adaptation.
Mon attachement au golf ne tombait pas du ciel : je suis fils de caddy — mon père a travaillé plus de 40 ans dans un golf — et mon frère est aussi coach. Le golf, le tennis, tout ça est un héritage familial. Nous n’avions pas beaucoup de moyens financiers, mais le fait que mon père travaillait « sur site » a permis que je découvre ces sports et que je m’y engage pleinement.
La rencontre, la passion, le défi
À Agadir, j’ai rencontré Carole — coup de foudre immédiat. Deux jours après son départ, j’ai donné ma démission. Depuis, cela fait 28 ans que nous sommes ensemble, et 25 ans qu’elle me laisse l’accompagner techniquement dans son golf.. Ce rôle ne m’a pas tout de suite permis d’être coach officiel : pour cela, il faut obtenir un diplôme d’enseignant reconnu en France..
Lors de l’appel à candidatures pour le diplôme de coach, c’était pendant la Ryder Cup 2018, je n’ai pas été sélectionné, nous étions très nombreux à vouloir une place : j’avais des compétences techniques solides, mais ma culture littéraire (notamment dans la dissertation demandée) n’a pas répondu aux attentes. Cela m’a poussé à me former davantage.
J’ai intégré JEKA formation, où Franck Allaire a été un mentor. À mon arrivée, je manquais de structure : je savais ce que je voulais transmettre, mais pas comment l’organiser. Franck m’a guidé, notamment dans l’écriture, la pédagogie, la structuration de mes cours. C’est grâce à ce travail que j’ai pu franchir un palier dans mon approche du coaching.
Je me définis comme un féministe convaincu : je constate que l’on donne trop peu de chances aux filles, surtout à partir de U16 (moins de 16 ans)
Coaching & résultats
Au fil des années, en plus de Carole, j’ai eu l’honneur d’entraîner des joueuses de haut niveau. Nous avons décroché des médailles internationales :
- Lors d’une compétition en Slovénie, l’équipe de France senior a remporté la médaille d’or.
- Plus récemment, en Espagne, nous avons obtenu une médaille de bronze.
Grâce à Carole, mais aussi à ma détermination, j’ai fini par trouver ma place dans l’univers du coaching, au-delà de mon rôle de caddie initial.
Coaching femmes & jeunes : une vision engagée
Je me définis comme un féministe convaincu : je constate que l’on donne trop peu de chances aux filles, surtout à partir de U16 (moins de 16 ans). On peine à en recruter, à les garder engagées. Souvent elles sont isolées, faute de camarades, de motivation, ou d’accroche dans le club.
À 12 ans, le corps change, la maturité diffère, les filles peuvent se sentir en décalage. Créer des moments collectifs, des sorties dédiées, peut aider à les garder investies dans le golf.
À cela s’ajoute la pression parentale : certains parents confondent réalisation personnelle et réussite de l’enfant, transférant leurs ambitions sur lui ou elle.
Ce sont des missions qui me tiennent à cœur et que je vais mettre en place au golf de Valencienne.
Chez les adultes, les différences sont aussi fortes : les hommes et les femmes traversent des phases de vie très différentes (grossesse, responsabilités familiales, etc.) et la place des femmes dans des sports masculin n’est pas toujours confortable.
Je suis convaincu que dans le golf, une femme doit souvent se battre deux fois plus pour être reconnue.
Les femmes dans la gouvernance sont souvent marginalisées et parfois subissent des pressions. C’est un contexte oppressant qu’elles ne devraient pas vivre.


Le cancer, la bataille, l’adaptation
Lorsque Carole a eu une ablation des deux seins, cela a profondément modifié sa relation au sport. Les prothèses, l’opération des ganglions, les cicatrices… tout cela limite parfois l’amplitude du mouvement. Lever les bras devient douloureux, mobiliser les muscles du dos peut restreindre le swing.
Alors, j’ai adapté sa technique :
- Grip : nous sommes passés d’un grip fort à un grip “neutre” pour réduire la profondeur du divot, soulager les contraintes physiques et avoir une face square à l’impact.
- Stance / position : j’ai légèrement fermé le stance, reculé le pied droit, pour optimiser le backswing malgré les limitations.
- Dynamique du swing : nous avons réorienté l’effort sur les mains, les avant-bras, en relâchant la pression des doigts pour tirer parti de l’inertie naturelle du club.
- Putting : adoption d’un long putter (37–38 pouces) avec une posture plus droite — moins de flexion, pour limiter les tensions et une tete de club plus lourde pour faire rouler d’avantage la balle.
- Chipping / petit jeu : nous utilisons un club “plus droit” pour revenir vers une posture de putting, en levant légèrement le talon droit pour favoriser un contact pur.
- Travail corporel : étirements, exercices spécifiques, renforcement léger, marche active, natation — tout ce qui peut aider la souplesse sans traumatiser.
Sur le plan mental, je l’ai encouragée à résister, à accepter les moments difficiles, à ne pas se laisser abattre. Sur le parcours, l’adversaire n’est pas l’autre, c’est le terrain, le mental, les conditions.
Le cancer n’est pas un ennemi qu’on ignore : je crois qu’on apprend à vivre avec. Le golf nous a offert une voie : marcher, bouger, respirer, exister malgré tout.
A mon sens faire 10 000 pas, pratiquer 30 minutes par jour — ce sont des actes simples, mais profonds dans la reconstruction.
Pour moi Carole est un modèle de force. Sa maladie n’a pas eu raison d’elle (3 cancers) — elle l’a transcendée.

Les conseils que tu peux donner aux coachs sur cette thématique golf santé au féminin?
Etre à l’écoute, adapter son enseignement au vécu de la personne vécu, à ses ressources — qu’elles soient cognitives, motrices, émotionnelles..
Si c’est quelqu’un qui a l’habitude de travailler seul, le collectif ne sera pas adapté.
Le but c’est que la joueuse passe un bon moment et qu’elle prenne du plaisir et qu’elle reparte avec l’envie de vivre.
Le mouvement c’est la vie.
Ta vision du golf & de la vie ?
Être sur un parcours, pour moi, c’est un cadeau. Si la santé est là, il faut la chérir. Même malade, on peut performer, puiser dans des ressources que l’on ignorait. Le golf est autant une école de vie qu’un sport.
Je puise dans la relation, le don de soi, le partage. Mon engagement ne se limite pas à former des joueuses, mais à accompagner des êtres humains. Les filles de l’équipe de France que j’aide bénévolement — ma motivation dépasse le trophée.
Pour moi, le cancer est un “crabe” qui restera toujours dans le décor, mais que l’on peut apprivoiser. On ne l’efface pas, mais on avance malgré lui. Nous avons fait de notre duo une force avec Carole, une existence partagée — et dans ce combat, nous gagnons.
Je suis aujourd’hui au Golf Club de Valenciennes (9 trous) et je porte un projet cher : développer l’école de golf, en particulier pour les jeunes filles, pour que le sport soit une voie d’épanouissement, de soutien et d’espoir.
Je suis très reconnaissant des mains tendues, comme celle de la Fédération Française de Golf pour sa confiance et la Ligue des Hauts de France pour leur soutien.
Merci Abdel pour ce partage 🙂