Un corps pour soi, pour son sport, pas un décor
Il y a les règles marketing et il y a les règles que le golf impose aux athlètes. Cette dichotomie empêche le golf féminin de s’exprimer et de se développer pleinement
La dernière régression importante dans le golf date de juillet 2017, lorsque la LPGA a durci le code vestimentaire des joueuses professionnelles qui « oblige les joueuses à se présenter de manière professionnelle pour refléter une image positive du jeu », interdisant les joueuses à porter des vêtements révélateurs de formes, des décolletés plongeants ou encore des leggings sur le terrain.
Parallèlement à cela, le règlement de la PGA, quant à lui, s’est assouplit et permet désormais aux messieurs, de jouer en short pendant les pro-ams et lors des phases d’entraînement des tournois. Deux poids, deux mesures..
Une injonction limitant encore plus la liberté des athlètes féminines à choisir leurs tenues vestimentaires lors des tournois. Une décision qui renvoie à ce besoin de ne pas dérégler l’ordre des choses, mais qui limite encore plus l’émancipation des joueuses de golf. « Si le professionnalisme dans le golf est synonyme d’athlétisme, alors l’athlétisme doit être promu et mis en valeur, et cela signifie qu’il faut autoriser les vêtements qui le favorisent », s’indignait en juillet 2017 Paige Spiranac, instructrice de golf et ancienne golfeuse, dans le magazine Fortune.
Notre objectif principal est clair en tant que joueuse : jouer du bon golf. Mais être une femme, et surtout une athlète féminine, c'est aussi avoir l'air attirante, sportive et en forme, et c'est ce que le tennis féminin fait si bien. Pourquoi ne le ferions-nous pas au golf ?
Sandra Gal, joueuse du LPGA
En qualifiant les femmes de « non professionnelles » lorsqu’elles montrent un décolleté ou un short porté sous une jupe, la LPGA perpétue les stéréotypes caducs et insinue que les femmes ne contrôlent pas la perception de leur corps.
Sandra Gal, golfeuse de la LPGA, jette un pavé dans la mare : « Le seul point avec lequel je suis d’accord est qu’il ne devrait pas y avoir de décolletés trop profonds, mais je n’ai jamais vu ce problème. Notre objectif principal est clair en tant que joueuse : jouer du bon golf. Mais être une femme, et surtout une athlète féminine, c’est aussi avoir l’air attirante, sportive et en forme, et c’est ce que le tennis féminin fait si bien. Pourquoi ne le ferions-nous pas au golf ? »
Mais alors qui, sur le circuit de la LPGA, a commencé à s’habiller de manière suffisamment « provocante » pour mener à cette nouvelle politique ?
Le constat, c’est qu’il y a une forme de décalage entre les institutions sportives qui ont un cadre bien régi qui fonctionnent avec des mécanismes précis, et les athlètes féminines qui vont trouver des ressources ailleurs qu’auprès des institutions pour développer leur carrière et leur visibilité.
On pourrait penser que cadrer l’image du corps des femmes par des règles vestimentaires serait un acte de protection de cet « objectification » du corps. Or, en l’espèce, c’est empêcher les joueuses de promouvoir et exercer leur sport comme elles le souhaitent ; cela renvoie une image vulnérable de la joueuse.
Suite à l’édition des règles vestimentaires contraignantes de la LPGA, deux réactions bien distinctes mais une seule humeur : les joueuses ne sont pas d’accord avec ces nouvelles règles
À gauche, Lexi Thompson : « J’ai ma nouvelle tenue (de golf) conforme au code vestimentaire #LPGA prête à partir! ».
À droite, Michelle Wie West, joueuse du LPGA qui a contribué au développement de la ligne golf chez Nike Women : « Hors saison = pas d’amendes liées au code vestimentaire. »
Plus une question de performance sportive mais de performance sociale
Depuis toujours, la liberté des sportives et plus particulièrement des golfeuses a été entravée. Au début des années 1900, il était suggéré aux femmes de s’abstenir de frapper la balle à plus de 70 ou 80 mètres, car « la posture et les gestes requis pour un swing complet n’étaient pas gracieux lorsque la joueuse était vêtue d’une robe », pouvait-on lire sur Yahoo Finance en juillet 2017.
Les femmes devaient répondre aux pressions de la société, même si cela signifiait ne pas être en mesure d’exécuter correctement le même swing. Des pressions très sérieuses qui modèlent malgré elles les corps féminins. De fait, 90% des anorexiques sont des femmes, plus sujettes aux troubles du comportement alimentaire.
Et malgré les règles de la LPGA, la pression sociétale pousse toujours la joueuse, qui doit aussi être performante, à cultiver sa féminité.
« Cette injonction corporelle a épousé les critères de la féminité, souligne Seghir Lazri, sociologue. Il faut qu’il y ait un gros travail de déconstruction autour de l’image de l’athlète féminine, car aujourd’hui elle doit s’inscrire dans une économie de la visibilité. Ce n’est plus une question de performance sportive mais de performance sociale ».
Il y a des chances que cela change, mais cela reste important aux yeux de la société. C’est un mouvement collectif que doit opérer le sport féminin, mais le changement prend du temps.
Concernant le monde du golf, les joueuses ont déjà des difficultés à se rendre visibles, limiter leur champ d’action reviendrait à ne pas valoriser le golf au féminin, de placer des obstacles à son ascension.
De plus, l’exécution du coup fait appel à plus de torsion, de souplesse chez les femmes d’où la nécessité de se sentir à l’aise dans ses vêtements pour accéder à ce côté athlétique de notre sport.
En ce qui concerne l’image sexualisée du corps, il s’agira que les médias et marques mettent en valeur davantage la réalisation athlétique des joueuses mais aussi la dimension stratégique et tactique qu’elles cultivent sur le terrain.
Ce qui sera mis en avant ne devra plus systématiquement chercher à réhabiliter une féminité « perdue » dans le geste sportif.